Myst (1993 – Mac, PC, 3DO, Saturn, Playstation, Jaguar CD)

En 1993, Myst a été une révolution à contre courant. Ce jeu s’adressait à un public différent de ceux des salles d’arcade. Pas d’action ni d’ennemi, un contexte nébuleux, des images belles et fixes, de rares plages musicales new age et vous seul sur cette île. Pas de but clair, pas d’aide, ni de chemin tout tracé, aucune issue apparente, juste une île étrange et calme.

Qu’on se le répète, Myst n’est pas un jeu avec des énigmes, c’est une énigme à lui tout seul. Il y a par exemple beaucoup de mécanismes à actionner (levier, interrupteur…) mais aucune explication concrète n’est donné au joueur quand à leur utilité. Le joueur doit ainsi se démener tout seul, découvrir la logique qui est propre au monde de Myst, avec une attention et une écoute de chaque instant (certaines énigmes sont sonores voire musicales). Bien sûr, les plus sceptiques s’arrêteront au bout de cinq minutes et Myst restera pour eux un mystère. Et c’est bien dommage car la balade est passionnante, envoûtante.

Les images belles et immobiles donnent un petit cachet à Myst qu’on ne retrouvera jamais dans ses suites ni dans ses ersatz : une certaine et intrigante irréalité.

Ecco the Dolphin: Defender of the Future (2000 – Dreamcast, Ps2)

Que retenir de ce jeu ? Qu’il est fastidieux avec ses énigmes à tirer la queue d’un poisson, comme certains le pensent, sans y avoir réellement joué. Effectivement, Ecco demande une patience de sioux. Certains passages sont particulièrement casse-tête mais les efforts sont comme souvent récompensés. Le jeu est bien plus qu’une aventure à déficeler. En effet, le joueur doit appréhender un nouvel environnement : l’eau.

Ainsi, passées quelques heures, on a vraiment l’impression d’être en train de nager. La jouabilité, précise et instinctive, après un temps d’adaptation (on n’est plus sur terre ferme, on est désorienté au début), participe beaucoup à cette sensation. L’ambiance est du reste envoûtante, le réalisme saisissant des créatures marines côtoient des architectures impressionnantes, futuristes et poétiques. Beaucoup de passages relèvent de la pure claustrophobie (dans les cavernes), d’oppression (le grand blanc) quand d’autres laissent au contraire un incroyable sentiment de liberté voire de vertige (Hanging Waters, les tubes d’eau dans le ciel)…

Avec une somme de moments d’anthologie, l’immersion est totale : voilà en gros pourquoi cet épisode Dreamcast est un chef-d’oeuvre.

The Legend of Zelda: Skyward Sword (2011 – Wii)

Prendre un grand bol d’air frais au moment de plonger dans le vide sur sa monture ailée… Voilà ce que je retiens de ce Skyward Sword, qui me promettait de revivre, au dessus des nuages couleur pastel, les sensations d’un Skies Of Arcadia : une aventure enivrante à 10.000 pieds. Sauf que le scénario m’a ramené contraint et forcé sur la terre ferme (au propre comme au figuré) avec 3 zones fermées, moult couloirs et une linéarité jamais vue dans un Zelda.

C’est la « Grande Aventure » à l’économie : un seul village, un hub nuageux riquiqui et vide, un recyclage permanent des décors, des idées et des boss. Le jeu offre par moments (et trop rarement) de chouettes séquences, notamment ces donjons se trouvant sur la mer de Sable de Lanelle où l’on jouera avec l’espace et le temps, ou bien cette rencontre mémorable avec l’impérieuse Narisha. Et le final « Zeldaesque » redore comme il se doit le blason de cette « Grande Aventure ».

Néanmoins, du début à la fin, je n’ai pas réussi à adhérer au jeu et au maniement à la WM+, que je trouve (très) agaçant à force d’imprécisions.

Another World (1991 – Amiga, Atari ST, Megadrive, Mega CD, Super Nintendo, 3DO, Jaguar, PC…)

Chef d’œuvre d’un seul homme, Eric Chahi, Another World est un jeu immersif. Par son ambiance particulière mais aussi par ces fameuses cinématiques intégrées à l’action. Avec cette mise en scène en direct, le jeu se rapproche côté émotions du cinéma. Il n’y a qu’à voir ce gros plan effrayant de l’énorme félin noir au début du jeu, un gros plan qui marque durablement le joueur !

Quant aux graphismes, on est vraiment dans un autre monde ! L’utilisation des polygones 2D offre un rendu exceptionnel autant du côté esthétique (les décors d’une froide étrangeté sont magnifiques) que de l’animation (la fluidité des mouvements égale celle d’un Prince of Persia). Côté jeu, ce mélange d’action et d’énigmes est très difficile et ne se livre vraiment qu’avec le temps, les occasions de mourir étant légions et imprévisibles.

Du coup, les gamers en manque d’action pure lui préféreront certainement Flashback. Ce jeu réutilise avec efficacité les mêmes procédés techniques (cinématiques, polygones 2D…) mais n’a pas la dimension artistique qui rend cet Another World si émouvant.

Journey (2012 – Ps3, Ps4, PC)

Journey nous enlève à notre réalité pour un incroyable voyage, débutant dans l’immensité d’un désert d’une Perse mythique. Marcher, s’étonner de la majesté de nos envolées, croiser des cerf-volants, illuminer des fresques murales… Le voyage tient de la rêverie éveillée, d’autant que le monde est chatoyant avec ces lumières ambrées.

Notre solitude est bientôt bouleversée par l’arrivée de l’altérité, aux habits analogues. La rencontre interroge, surtout si comme moi, on n’en est pas averti (je n’ai rien lu au sujet du jeu avant d’y jouer). L’autre, c’est un joueur en ligne comme nous, dont on ne sait rien et avec qui on pourra communiquer avec notre chant. L’entraide et les interactions même limitées avec ce camarade donne au périple un surplus d’émotions, assez difficile à décrire. Oui, Journey est très court. Et pourtant, après avoir parcouru déserts, ruines et montagnes, il m’est très difficile de ne pas relancer ce périple, avec l’espoir de ressentir à nouveau ce flots de sensations. Des sensations qui parcourent l’échine et font frissonner.

Je me rends compte, en me les remémorant, de l’immense et infinie beauté du jeu.

Abzû (2016 – Ps4, Xbox One, PC)

Quand on a goûté aux mers de sable, difficile de ne pas voir en Abzû le prolongement de Journey (2012). Emporté par le score d’Austin Wintory, il faudra toujours aller de l’avant mais cette fois-ci, en plongeant à corps perdu dans les profondeurs d’un océan. Ici, les environnements aquatiques sont somptueux et s’animent d’une vie bariolée avec ces bancs de poisson multicolores filant à toute vitesse. On croisera jusque dans les abysses de débonnaires mammifères marins aux tailles imposantes.

Flâner permet d’observer cette vie qui s’organise, de découvrir des formes inédites : c’est là la différence avec Journey. On peut y jouer sans s’arrêter, filer droit au but, et ne pas s’apercevoir de la magie qui nous entoure. Abzû a cette belle naïveté de croire que le joueur n’est pas qu’un joueur. Qu’il va s’arrêter un instant, tantôt pour contempler, juste pour contempler, tantôt pour virevolter en s’accrochant à des créatures marines pour d’éphémères ballets.

Inside (2016 – Ps4, Xbox One, Pc)

Petit garçon qui avance dans un monde de plus en plus inquiétant… La filiation avec Limbo est plus qu’évidente et cette fois-ci, Playdead a ajouté de la couleur, des teintes souvent glaçantes, et de la profondeur de champ avec une 3D nous offrant de vastes panoramas immobiles. Tout comme Limbo, le reste est une soustraction permanente : pas d’explication, pas de musique (ou si peu) et surtout, pas de scène réconfortante.

Comme ce gamin au pull rouge, on plonge dans un cauchemar parfaitement orchestré où les énigmes, elles-mêmes en jouant sur un timing serré ou sur des actions malaisantes (tirez donc sur la queue du cochon), nous mettent dans un inconfort certain. La séquence finale, bien glauque, perturbe autant qu’elle fascine, et résume pour ma part ce qu’est Inside.

Alors que Limbo était une perle horrifique jouant sur des peurs classiques (l’arachnophobie pour n’en citer qu’une), Inside réhabilite « l’étrange » comme un genre primordial du fantastique, à même de nous captiver et de nous surprendre.

Assassin’s Creed Syndicate (2015 – Ps4, Xbox One, PC)

Les insolents jumeaux et assassins, Jacob et Evie Frye, décident de leurs propres chefs de mettre le boxon à Londres. Avec ses cheminées crachant leurs fumées au loin et le fog qui nimbe Big Ben et la Tamise, le Londres de l’époque Victorienne est parfaitement reconstitué. On s’y croirait. Côté background, le jeu lorgne du coté de « Gangs of New York » avec ces bandes rivales qui s’affrontent à coups de hachoir. Mater l’adversaire pour libérer les quartiers est une bonne idée, d’autant que les bastons de rue et les séquences d’infiltrations sont très réussies. Mais dommage que ces missions aient une forte tendance à se répéter.

Côtés nouveautés, tous les ajouts sont amusants même si on peut leur reprocher de ne pas être crédibles pour un sou. Le grappin nous permet de faire de la tyrolienne entre deux bâtiments sur une bonne centaine de mètres (!) et les calèches, à fond les ballons, détruisent tout sur leurs passages comme de véritables chars d’assaut.

Neuvième de la série, Syndicate est au final un jeu bien fun avec une pléthore de choses à faire. Reste que je ne peux pas m’empêcher de comparer et de lui préférer les épisodes précédents (et suivants), plus sobres et plus subtils à mon goût.

Hellblade – Senua’s Sacrifice (2017 – Ps4, Xbox One, PC)

Hellblade est une marche lancinante et angoissante. On partagera les hallucinations visuelles et auditives de la marcheuse, Senua, une guerrière Picte atteinte de troubles psychotiques. L’expérience vaut pour elle, interprétée avec force par Melina Juergens et pour le remarquable décorum nordique nous immergeant petit à petit dans les ténèbres Vikings. En se bornant à une alternance d’énigmes et de longs combats (des vagues de monstres dans des arènes), le jeu installe une petite routine qui à la longue peut faire perdre quelques grammes d’intensité à l’ensemble.

Néanmoins, Hellblade met toujours; au bon moment; un bon coup de marteau dans la boîte crânienne, et se révèle in fine perturbant et sublime comme un poème hurlé en langue scalde. La folie est vraiment traitée sous tous ses aspects et peut même finir par troubler à force de voix parasites, de fissures lézardant le fameux 4ème mur (les regards caméra !) et d’autres tangages bien perturbants.

En un mot : remarquable.

The Witness (2016 – Ps4, Xbox One, PC)

Braid se référait à Mario, The Witness du même Jonathan Blow fait penser à Myst, avec une île bien calme : une végétation luxuriante, des bâtiments abandonnés, d’étranges statues et aucun humain dans les parages… A la différence de Myst qui nous faisait interagir avec des mécanismes, on progressera par l’entremise d’écrans présentant des labyrinthes en apparence tout bêtes.

Quelque part, il faut oser sortir un jeu pareil : il s’agit d’une véritable compilation de 600 puzzles, rendue (très) difficile par l’absence d’explication. Bien entendu, la logique qu’on construit soi-même pour les résoudre sera régulièrement mise à mal. Mais si on est bloqué, libre à nous d’explorer de nouvelles zones et de découvrir des énigmes plus accessibles.

A la fois gratifiant et jusqu’au-boutiste dans son concept (autiste ?), The Witness a un grand pouvoir d’attraction, comme un beau casse-tête en bois paraissant insoluble. J’apprécie non seulement le grand retour des énigmes qui donnent le tournis (sensation vécue pour ma part à plusieurs reprises sur la trentaine d’heures de jeu), mais aussi de retrouver mes vieux amis « crayon à papier » et « feuilles à carreaux qu’on gribouille de schémas ».